03/07/2016
Les 16è rencontres économiques qui se sont déroulées du 1 au 3 juillet 2016 à Aix-en-Provence se sont données la mission de répondre à la question “dans un monde en turbulences qu’attend-on d’un pays ?”
Poser la question était déjà un défi en soi quand l’onde de choc du Brexit est encore très présente dans les esprits, les paroles et les écrits. La petite phrase de Mario Monti à propos de l’empreinte politique et historique de David Cameron (« David Cameron probably won’t be remembered as having started EU desintegration but rather UK disintegration ») n’aura d’ailleurs pas échappé à quiconque aura suivi la session dans laquelle il intervenait sur les chemins vers la prospérité économique.
Mais revenons à la question centrale de ces rencontres qui interpelle l’ensemble des citoyen.nes d’un pays. Il y a dans cette question un fort enjeu de responsabilité, non sans rappeler un certain John Fitzgerald Kennedy dont l’injonction à se demander comment chacun peut servir son pays résonne encore dans les mémoires.
Dans son allocution de clôture Jean Hervé Lorenzi, Président du Cercle des économistes qui organise ces rencontres, a lui même placé cette responsabilité comme maître mot pour l’avenir. On peut en effet dire que cette responsabilité a été le fil directeur de ces rencontres s’invitant dans bien des débats et des discussions.
Leaders du monde académique, économique, geopolitique, financier, industriel, politique se sont succédé.e.s pour rappeler que cette responsabilité est le ciment qui va permettre que fonctionnent des mécanismes de gouvernance globalisée (dixit Christine Lagarde, Directrice du Fonds Monétaire International) absolument nécessaires pour adresser des problèmes humains, qui, sur le plan sanitaire, environnemental entre autres, se soucient peu des frontières et du périmètre étroit d’une nation.
Ainsi cette responsabilité se joue quand pour innover, pour faire bouger les lignes, aller au delà des seuls intérêts de notre territorialité, dépasser les limitations de nos égos, nous changeons notre rapport au risque pour apporter un changement qui ne répond pas seulement aux demandes d’un groupe mais vient servir l’intérêt général. Et Ross McInnes, président du conseil d’administration de Safran, d’ironiser (mais pas complètement) que c’est la prise de risque qui devrait être récompensée pas le livret A, lançant ainsi un message fort sur le besoin aveuglant de sécurité et de confort qui cantonne à l’aversion au risque, péché capital des économies en crise selon Bertrand Piccard médecin et explorateur.
Toute innovation a en effet sa part de rêve et sa part de risque, le projet Solar Impulse, dont il est l’initiateur, en est le parfait exemple.
C’est aussi cette responsabilité qui doit s’inscrire au cœur même des entreprises et de leur fonctionnement. Quand François Villeroy de Galhau gouverneur de la Banque de France déplore un manque de mobilisation collective dans la durée pour la France et l’Europe, ce commentaire concerne tous les acteurs de la société, et les entreprises ne peuvent avoir un intérêt dissocié des nations et des états dans lesquels elles travaillent. Et pour Jean-Dominique Sénard, président du groupe Michelin, qui partage avec force cette conviction, les entreprises qui survivront répondront à trois critères:
1. Elles auront une vision long terme et s'y tiendront
2. Elles mettront les citoyens du monde au cœur de leurs innovations et assumeront la responsabilité sociale de leurs actes
3. Elles intégreront la dimension humaine à la prospérité économique et feront prospérer en leur sein le principe de responsabilisation de leurs employés.
Ces entreprises seront celles qui sauront de mobiliser l’ensemble de leurs employé.e.s pour qu’elles/ils se prennent en main et se considèrent sur un destin commun. Et si de belle preuve de vision long terme et de destin commun il en est, c’est celle qu’apporte depuis douze années le groupe Solvay à Bertrand Piccard par leur soutien au projet Solar Impulse.
Enfin cette responsabilité s’enracine dans la vérité qui fait du point de vue de François Villeroy de Galhau la puissance d’un pays. Vérité qu’il faut savoir dire et savoir entendre. Et Tidjane Thiam, directeur général du Crédit Suisse de mettre en garde contre l’illusion de croire que l’on pourrait gérer cette crise économique, environnementale, financière politique, sociale, sans être exhaustif, sans changer les réalités sous-jacentes et dire la vérité aux gens.
Pour Henri de Castries, encore président directeur général d’Axa pour quelques mois, y arriver ne demande pas seulement de transformer le système mais de le réinventer. Ce monde en turbulences est une opportunité à saisir, une nouvelle carte à jouer, un pari à faire sur l’avenir. Après tout, c’est Guillaume Faury président directeur général de Airbus Helicopters qui le dit, il ne faut jamais gâcher une bonne crise. Conviction qu’il renforce en rajoutant que ce n'est pas la puissance en tant que telle qui fait la différence mais la capacité à faire la différence et avoir un impact qui fait la puissance.
Je laisserai le mot de fin de cet article à Françoise Benhamou, membre du Cercle des économistes, qui s’adressant à la jeunesse l’a invité à être à l'instar de Bertrand Piccard, « savanturière » et entrer dans ce monde de l’exploration pour faire évoluer nos modes de vie et de pensée.